Couverture | Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText |
Jean-Léon Le Prevost Lettres IntraText CT - Lecture du Texte |
|
|
223-1 à un Vicaire GénéralExposé des objectifs de la Communauté des Frères de Saint Vincent-de-Paul. Historique. Intuition du fondateur. Union des deux éléments laïc et ecclésiastique. Nécessité de l'élément ecclésiastique. MLP. souhaite recevoir l'ordination sacerdotale pour continuer à diriger sa Communauté. Témoignage favorable de l'abbé Beaussier.
17 mars 1852 Le soussigné appartenant à la petite Communauté de St-Vincent-de-Paul, déjà honorée à diverses reprises des bienveillants encouragements de Mgr l'Archevêque de Paris, prend la respectueuse confiance de soumettre à M. le Vicaire Général un court exposé sur la constitution de cette œuvre et d'appeler en même temps son attention sur quelques questions concernant sa situation présente. Il y a maintenant sept ans que l'exposant et deux de ses amis, vivement frappés de la haute importance que la Providence semble assigner, de notre temps, aux œuvres de charité, résolurent d'y consacrer leur vie, prenant tout ensemble pour fin d'y chercher leur propre sanctification et de prêter aux œuvres un concours plus stable et plus consistant que ne peuvent le donner d'ordinaire les gens du monde. Ils mesurèrent bien, du reste, l'étendue de leur sacrifice; ils comprirent dès l'abord que, s'ils voulaient se donner à Dieu, il fallait pour Lui renoncer à tout et que, s'ils aspiraient à vivre ensemble, à puiser dans la vie commune la force que donne l'unité, il fallait qu'ils fondissent leurs esprits en un et fissent abnégation d'eux-mêmes. Eclairés et soutenus par les conseils d'un saint Evêque (Mgr d'Angers) qui dirigeait l'un d'entr'eux et qui se trouvait de passage à Paris, ils s'offrirent sans réserve et acceptèrent toutes les conditions de la vie religieuse, le vêtement excepté, l'habit laïc leur paraissant plus propice au mouvement extérieur des œuvres de charité. Les nouveaux frères n'eurent garde d'ailleurs d'omettre les soumissions qu'ils devaient à leur propre Pontife. Ils communiquèrent, dès le principe, leur projet à Mgr Affre qui leur donna ses avis avec sa bénédiction paternelle en les assurant de sa constante protection. Il leur eût même, dès ce moment, ouvert un asile dans la Maison des Carmes s'ils n'eussent fait observer à Sa Grandeur qu'il convenait mieux à leurs petits commencements de se façonner dans l'ombre et d'étudier mûrement les desseins du Seigneur. Il est à remarquer que l'un des trois associés était marié mais dans des conditions tout exceptionnelles qui rendaient possible une séparation amiable. Elle se fit d'un commun accord, après une année d'épreuve, et sous la direction de Mgr d'Angers auquel le cas avait déféré. Plusieurs années s'écoulèrent durant lesquelles la petite Communauté se constitua, prit des exercices et des formes régulières, s'attachant avant tout à donner à ses membres l'esprit intérieur et le goût des vertus chères à saint Vincent de Paul et à saint François de Sales, la simplicité, l'humilité, le zèle et la charité. Ses membres, au nombre de cinq pendant plusieurs années, s'élevèrent plus tard à 12, puis à 14, nombre actuel de son personnel. Parmi eux, sont trois jeunes ecclésiastiques auxquels Monseigneur a bien voulu donner des pouvoirs pour se livrer aux œuvres de charité en union avec la petite Communauté. Le travail de constitution et d'information intérieure n'absorba pas tellement les frères qu'ils ne donnassent aussi leurs soins à quelques œuvres du dehors. L'œuvre de la Sainte-Famille, maintenant établie en sept paroisses de Paris et en plusieurs villes de province, les fourneaux pour les pauvres, les caisses pour les loyers, des bibliothèques populaires, les maisons de patronage des apprentis et des jeunes ouvriers, l'asile pour les vieillards, désigné sous le nom de Maison de Nazareth, enfin la maison des orphelins de la rue de l'Arbalète, placée sous le patronage de Mgr l'Archevêque de Paris, ont été fondées ou desservies par eux. Ces œuvres, quoique bien imparfaites encore, laissent néanmoins espérer que, dans l'avenir, la petite Communauté en se développant, pourrait mettre, dans les œuvres, un élément de consistance et de stabilité qui leur manque et surtout (c'est là sa première fin) y maintenir l'esprit de foi et de vraie charité. On trouverait encore un aperçu assez exact de l'action qu'elle pourrait exercer, dans les faits qui se sont passés à Grenelle où quelques-uns de ses membres sont établis. M. le Vicaire Général sait déjà qu'à leur arrivée ils trouvèrent le vénérable curé de cette paroisse, abattu, découragé par 9 années d'efforts et de travaux en apparence sans fruit, pasteur sans troupeau ainsi qu'il le disait tristement lui-même. Bientôt une Conférence de St-Vincent-de-Paul réunit, groupa les hommes chrétiens puis successivement, la visite des pauvres, une bibliothèques populaire, des fourneaux, un patronage d'apprentis et de jeunes ouvriers, des catéchismes quotidiens aux adultes, aux enfants des manufactures, enfin des rapports journaliers avec les moribonds, produisirent un mouvement général dans la population et peu à peu la rapprochèrent de l'Eglise. Aujourd'hui Grenelle, assure-t-on, est sous le rapport religieux, une des meilleures paroisses de la banlieue: les offices, le Carême, le mois de Marie, l'Adoration y sont suivis par un peuple assez nombreux et de grandes consolations sont données au cœur du vénérable curé. Sans exagérer la faible part que le Seigneur leur a permis d'avoir à cet heureux changement, les frères pensent néanmoins qu'elle indique assez bien le rôle que prendrait avec le temps la petite Communauté, comme préparation et assistance de l'action du clergé. Il est facile de comprendre combien, dans une association pareille, la présence de quelques ecclésiastiques est utile et combien les deux éléments ecclésiastique et laïc étroitement unis par un même esprit de zèle et de charité peuvent se prêter de force l'un à l'autre. Hors de cette combinaison, ou la plupart des œuvres sont impossibles, ou sans portée, le clergé des paroisses, trop occupé par le ministère, ne pouvant s'en détourner pour satisfaire aux soins et services multipliés des oeuvres. Aussi le soussigné se plaît-il à reconnaître que le bien spirituel s'est accru sensiblement dans les travaux que la petite Communauté depuis que le concours de quelques jeunes ecclésiastiques lui a été accordé et qu'elle ne s'est cru complète dans sa constitution que du moment où leur union avec elle a paru assurée. Mais plus cet accord semble désirable et peut produire d'heureux fruits, plus il importe de le rendre durable et de prévenir les embarras qui pourraient l'altérer. Il est donc bien essentiel d'en poser dès à présent les bases de telle sorte qu'elles puissent subsister et se maintenir. Lorsque les jeunes ecclésiastiques désignés ici entrèrent dans la Communauté de St-Vincent-de-Paul, elle existait déjà depuis plusieurs années, ils la trouvèrent constituée, ayant son règlement, ses exercices, sa vie en un mot. Ils l'acceptèrent humblement telle qu'elle était et reconnurent aussi l'autorité qui la conduisait, toutes réserves faites de l'honneur de leur caractère et des latitudes nécessaires à leur ministère. L'ordre et la paix existent jusqu'à présent en ces conditions. Il y a néanmoins dans la pratique quelques embarras, et il y aurait peut-être à la longue quelques difficultés dans une pareille disposition. Un laïc, sans l'habit religieux surtout, ne peut guère avec convenance distribuer les emplois, régler les exercices et les actes d'un ecclésiastique (sauf certains cas et en vue d'honorer les états soumis et dépendants du Sauveur). Les choses seraient mieux dans l'ordre et satisferaient davantage le cœur de tous si le chef de la Communauté était ecclésiastique. Or là est le point difficile; l'heure ne serait point venue pour ceux du dedans, trop jeunes et trop peu expérimentés encore; en prendre au dehors ne serait pas plus acceptable, les œuvres se façonnent d'ordinaire par les mains de ceux qui les ont suscitées; des deux parts et de l'avis des hommes les plus graves, il y aurait des inconvénients sérieux et péremptoires. En cet état, que resterait-il donc sinon que celui qui conduit présentement la Congrégation, qui en a conçu la pensée, en a réuni les éléments et dirigé les premiers commencements avec l'aide visible de Dieu fut confirmé dans sa position avec le caractère et les grâces qui la rendraient plus sainte et plus vraie. Ainsi mieux autorisé, il pourrait régulièrement déterminer les emplois et les places de chacun, équilibrer les deux éléments de l'œuvre et lui donner une assiette ferme et définitive qui assurerait son avenir. Il a osé espérer que cette considération pèserait assez près de Mgr l'Archevêque pour que Sa Grandeur daignât examiner s'il ne pourrait pas être admis dans les ordres sacrés. En confessant son insuffisance et son indignité, il allèguerait pour la couvrir d'une part vingt années employées aux travaux de zèle, de charité et aux enseignements religieux, de l'autre l'appel intérieur de Dieu qui depuis l'âge de 20 ans (il en a maintenant 48) n'a cessé de le poursuivre de la conviction intime, profonde, qu'un jour il entrerait dans la milice sainte. Des empêchements de famille, de santé et autres ont, à diverses époques de sa vie, rendu ses tentatives vaines, mais le désir a persisté et l'espérance avec lui. Aujourd'hui, un obstacle se présente encore; il a été marié, ainsi qu'il a été dit précédemment, et n'a sa liberté qu'en vertu du consentement formel et régulier à lui donné par qui de droit. Cet empêchement est-il décisif et absolu, il ne le pense pas et conjure Monsieur le Vicaire Général d'examiner les raisons qu'il a de juger ainsi. 1° - Il déclare, dans la vérité la plus entière, qu'il ne renonça à sa liberté qu'après s'être assuré une fois encore que sa santé s'opposait à son admission au séminaire; qu'en second lieu, il ne prit cet engagement par aucun motif d'intérêt ou de passion, mais uniquement par un sentiment de générosité, exagérée peut-être, et pour donner appui à une personne qui lui inspirait une estime et une affection méritées, et que l'isolement et l'ennui avaient jetée dans un état de marasme et d'hypocondrie qui menaçaient sa raison et sa vie. Cette personne avait 17 ans de plus que le soussigné; il fut convenu expressément que les rapports entre eux ne changeraient pas et qu'ils demeureraient comme frère et sœur. Cette convention a été exactement gardée. 2° - Dès le principe, la séparation de biens eut lieu comme la séparation de corps. 3° - Après quelques années, cette personne étant rentrée dans des dispositions d'esprit meilleures, ayant repris ses relations et le mouvement de la vie ordinaire, le soussigné crut que sa tâche était remplie, il demanda et obtint le consentement dont il avait besoin pour entrer en communauté et se consacrer à la vie religieuse. 4° - Il n'usa toutefois de ce consentement qu'au bout d'une année d'épreuve et après s'être assuré qu'il était définitif. Cette affaire fut suivie et réglée par un saint Prélat (Mgr l'Evêque d'Angers) qui avait bien voulu l'examiner. Cette séparation dès longtemps préparée n'excita ni curiosité, ni surprise. 5° - Depuis lors (c'est-à-dire 7 années) les deux parties, en restant respectivement dans les sentiments d'estime et de bienveillance, ne se sont point revues, l'une étant fixée à Paris, l'autre ayant presque constamment demeuré dans le diocèse de Lyon où elle avait pris résidence durant ces dernières années, y vivant dans des habitudes chrétiennes et une réserve de conduite conforme à toute sa vie. 6° - Elle a présentement 65 ans; elle jouit d'une fortune suffisante et entièrement indépendante. On pourrait il est vrai, objecter qu'en rigueur les règles demandent que la partie restante entre en communauté, mais un cas si exceptionnel, une réunion de circonstances si rare ne pourraient-ils justifier une mesure particulière, telle que l'Eglise l'a souvent admise? Le vénérable ecclésiastique qui dirige l'exposant depuis dix ans, M. l'abbé Beaussier, donne d'ailleurs un plein assentiment à ces vues et joint ses instances aux siennes. De son côté, M. le Vicaire Général qui, depuis tant d'années, ne l'a jamais perdu de vue, lui refuserait-il son témoignage et ne consentirait-il pas à répondre au besoin que, par une docilité profonde, une circonspection constante, il donnerait entière garantie à l'autorité et que sa vie toute renfermée au petit cercle de ses œuvres, resterait aussi obscure, aussi cachée que par le passé? Telles sont les considérations que le soussigné soumet à la bienveillante appréciation de M. le Vicaire général. Il ose espérer que d'une part dans l'intérêt d'une œuvre visiblement bénie de Dieu, qui a déjà fait quelque bien et qui en promet plus encore si sa marche n'est pas entravée; et de l'autre par miséricorde pour une âme longtemps brisée et contrariée dans ses vœux les plus chers, il prendra en mains sa requête et lui ménagera un accueil favorable de Mgr l'Archevêque. Profondément reconnaissant d'une grâce toute imméritée, il prendrait l'engagement formel d'en garder le souvenir jusqu'à son dernier instant et de placer en toutes ses prières et sacrifices une intention particulière et spéciale pour le Premier Pasteur du Diocèse et pour le troupeau qu'il conduit. Le Prevost
(TEMOIGNAGE DE M. l'abbé BEAUSSIER) Chargé dès le commencement de diriger les membres de la petite Communauté de St-Vincent-de-Paul, je crois pouvoir assurer qu'elle est dans de bonnes conditions pour se fonder dans l'esprit intérieur, objet principal de l'œuvre, et, dans les limites de l'obéissance, opérer un grand bien à l'extérieur dans les œuvres de zèle et de charité. Je pense, en outre, qu'il serait essentiel, pour mettre cette Communauté dans une assiette régulière et définitive, quelle fut conduite par un Supérieur ecclésiastique lequel, à mon avis, ne pourrait, sans de graves difficultés, être pris en dehors de l'œuvre. Telle qu'elle est conçue, elle me paraît ouvrir une carrière aux jeunes ecclésiastiques qui voudraient se consacrer aux œuvres de charité et je trouverais bon que cette voie fût suivie. Enfin, quant au vœu particulier émis par M. Le Prevost, en ce qui le concerne, non seulement j'y donne mon entier assentiment, mais j'aime à joindre ma démarche à la sienne dans la pensée que Dieu l'appelle à compléter l'œuvre qu'Il lui a donné de commencer. J.B. Beaussier - Prêtre 17 mars 1852 |
Couverture | Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText |
Best viewed with any browser at 800x600 or 768x1024 on Tablet PC IntraText® (V89) - Some rights reserved by EuloTech SRL - 1996-2008. Content in this page is licensed under a Creative Commons License |