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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 301 - 400 (1855 - 1856)
    • 354  à M. Maignen
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354  à M. Maignen

Pressenti pour être Supérieur, M. Maignen avait suggéré M. Paillé. MLP. répond à ses objections et l'invite à prier et à se concerter avec ses frères. Qu'il modère ses activités: "se réfugier en Dieu dès que possible, sacrifier des démarches utiles"..."Faire les deux choses ensemble: prier et agir".

 

 


Hyères, 13 mars 1856

Très cher enfant en N.S.,

Je voulais vous écrire un peu à loisir, je n'en ai pas encore trouvé la possibilité depuis mon arrivée ici; je suis devenu si vieux que changer de lieux est toute une grande affaire pour moi; m'acclimater, retrouver mon régime, refaire le classement de mes occupations dans la journée, tout cela s'opère lentement, avec mille difficultés; être jeune, que cela est doux et commode! Epargnez un peu votre jeunesse, cher enfant, ne la dépensez pas sans vraie nécessité, c'est un précieux trésor, on n'en sent bien la valeur que lorsqu'il n'y a plus rien au fond du sac. Ce n'est pas que je sois décrépit à faire peur, vous ne me trouverez pas changé en pis à mon retour, je suis même un peu plus fort sur mes jambes qu'à mon départ; mais jusqu'ici ma poitrine est une pauvre machine, il faut la traiter avec toutes sortes de cérémonies et de ménagements qui exerceraient la patience d'un saint et qui souvent mettent la mienne à toute extrémité.

Je bénis avec vous le Seigneur de ce que nos affaires, sans être prospères, sont moins mauvaises que nous ne pouvions le craindre; je remercie bien avec vous vos dames quêteuses pour Nazareth, la bonne et pieuse Mme Récamier en particulier; je chercherai dans mon esprit des noms pour votre souscription à 20f, mais je m'étonne que vous songiez pour cela aux dames patronnesses de notre orphelinat, ne faut-il pas les réserver pour notre loterie? Je suis bien inquiet de cette loterie dont M. Myionnet ne me dit pas un mot dans ses dernières lettres; ce serait une grande affliction si, avec les charges énormes qui restent à notre maison de Vaugirard, elle était privée et de cette loterie et de son sermon ordinaire; faites des pieds et des mains, cher enfant, pour que l'affaire arrive à fin. J'indique à M. Myionnet un moyen de l'avancer peut-être assez efficacement; usez-en, s'il est nécessaire.

Je suis bien frappé des objections que vous me présentez contre votre supériorité projetée à Nazareth, et je trouverais bien quelques avantages au parti que vous me proposez et qui sauverait peut-être la situation, au moins pour un temps. Notre f. Paillé a très pieusement passé les quelques mois écoulés depuis son départ, j'ai été aussi fort satisfait de son dévouement et de son bon esprit; mais il n'en reste pas moins vrai que, pour tirer bon parti de ses qualités, il faut passer à pieds joints sur des défauts et travers d'esprit assez notables. C'est un effort de vertu bien réel, vous en croyez-vous capable? C'est, très cher enfant, ce qu'il faut examiner bien attentivement devant Dieu; consultez-vous au pied de l'autel, cherchez vraiment ce que le Seigneur veut, et vous me direz ensuite votre pensée définitive; j'ai écrit à peu près en ce sens à M. Myionnet, causez-en avec lui et avec notre cher abbé Hello, et nous prendrons après cela un parti en un sens ou en un autre; mais il est bien essentiel de prier et de demander les lumières de l'Esprit-Saint; c'est une chose sérieuse que de bien asseoir les commencements de notre œuvre de Nazareth, nous devons avoir à cœur de la faire de notre mieux pour qu'elle puisse encourager ceux qui en voudraient faire de pareilles, par la Société de St-Vincent-de-Paul ou autrement.

Je ne puis me résoudre, bien cher enfant, à demander à notre f. Myionnet plus de sévérité à votre égard; je sais quelle est la multitude de vos occupations et combien elle doit vous dissiper, j'en souffre, j'en gémis, mais je ne puis que prier le Seigneur d'avoir pitié de vous et de vous donner le courage de vous tenir en réserve contre tout mouvement et expansion qui n'est pas nécessaire. Il me semble parfois que votre corps et votre âme sont tous les deux dans état habituel de surexcitation qui, à la longue, amènerait l'épuisement. Dès que vous en voyez la possibilité, cher enfant, réfugiez-vous en Dieu, sacrifiez même parfois un peu des démarches utiles pour les remplacer par quelque acte auprès de Dieu, vous y gagnerez, car c'est Lui qui fait tout, tenant les cœurs, les ressources et toutes les puissances dans sa main. C'est ce qui me console pour moi de mon inutilité obligée; quand je m'en sens un peu contristé, je me dis: Que ferais-tu maintenant? Tel mouvement, telle instance auprès de celui-ci ou de celui-là; eh bien, fais tes instances et démarches auprès de Dieu, c'est plus sûr, c'est plus court, c'est bien autrement efficace. Dans votre position, cher enfant, il faut faire les deux choses ensemble: prier et agir. Je sais bien la difficulté de prier avec un esprit harassé, plein de mille choses confuses et dont on ne dispose plus; il reste l'élévation intérieure du cœur, quelques petits retours, si courts qu'ils soient, un désir, un regard, un soupir. Dieu comprend tout cela, c'est le langage des âmes chargées; le Seigneur ne leur a pas crié en vain: Venez à moi, vous tous qui êtes las.231 S'ils viennent à Lui en hâte, brisés, Il les refait, essuie leur front, et remet en un instant des forces nouvelles en leur intérieur. Revenez donc le plus souvent possible aux pieds de ce bon Maître pour y trouver quelque repos et, même dans vos fatigues et courses haletantes, respirez en Lui; Il sera votre rafraîchissement et votre paix.

Adieu, très cher enfant, je prie tous les jours pour vous à la Sainte Messe et à la Sainte Communion; rien n'est perdu pour nous tant que ces grands moyens nous restent. Dieu est avec nous, nous ne serons pas confondus: In te Domine speravi, non confundar in aeternum.

Adieu, très cher enfant, je vous embrasse bien tendrement dans les Cœurs sacrés de J. et de M.

Votre vieil ami et Père

Le Prevost

 





231 Mt 11, 28.





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