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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 401 - 500 (1856 - 1857)
    • 437  à M. de Lauriston
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437  à M. de Lauriston

Bonheur de la vocation. Le sacrifice consenti retombera en bénédiction sur sa famille qui l'a donnée à Dieu. Savoir se détacher de ses œuvres et surtout de soi-même. Nouvelles de la Communauté. Ordination de l'abbé Faÿ qui sera un "vrai serviteur des pauvres".

 

Cannes, 20 décembre 1856

Bien cher Monsieur et bien bon ami,

Votre chère lettre du 12 de ce mois m'a apporté, comme toutes celles que j'ai reçues de vous, un sentiment de joie et une impression toute édifiante. Dieu est admirable dans ses voies! C'était une pénible épreuve pour vous que d'informer votre famille de vos résolutions pour l'avenir et voilà que la Providence, venant à votre secours, vous a fait d'un seul élan franchir ce pas difficile; bénissons-la ensemble du secours si manifeste qu'elle a daigné vous prêter; remercions-la aussi des admirables dispositions qu'elle inspire à votre famille; c'est pour moi, je vous en assure, une contemplation toute consolante que celle des préparations et moyens dont le Seigneur daigne user dans votre vocation; j'y vois un signe de ses complaisances adorables, et pour vous et pour notre petite famille; je me confonds en reconnaissance devant tant de condescendance et de bonté.

Je suis bien touché aussi de la soumission si chrétienne de tous les vôtres, c'est un exemple de foi et de sacrifice chrétien comme le monde en donne aujourd'hui trop rarement! Ne plaignez pas trop ces bons parents, bien cher Monsieur, ils font une noble action, Dieu saura les en récompenser; vous faites aussi à leur endroit un courageux sacrifice, il leur tournera à bonheur et à bénédiction. Il faut nous élever jusqu'aux vues de la foi quand nous voulons prendre au sérieux la vie chrétienne, et nous trouvons alors, avec la fermeté pour agir, les saintes espérances que nous donnent les promesses du Sauveur. Il a promis le centuple, en ce monde même, à ceux qui, pour Lui, sacrifieraient leurs plus chères affections; et que peut être ici ce centuple, sinon la plénitude des bénédictions sur la famille objet de vos tendres regrets! Offrez à son intention les brisements de votre cœur, les sensibilités que produit toujours la résistance de la nature, et soyez assuré que vous aurez fait mille fois plus pour elle que par toutes les douceurs et consolations extérieures qu'eût pu lui donner votre présence habituelle. Dans l'ordre où nous place notre vocation, nous ne pouvons plus voir les choses comme elles s'envisagent dans le monde, nous les prenons telles que les a prises le Sauveur lui-même, telles qu'Il les a précisées pour les siens dans une absolue et parfaite charité; dans cet esprit, très cher Monsieur, votre sacrifice a été glorieux pour Dieu, il sera méritoire pour vous et salutaire pour les vôtres; que pouvions-nous souhaiter de plus?

Reste maintenant le second pas à faire: vous détacher du lieu où vous êtes, vous déprendre des soins, assurément respectables, que vous a donné la charité. Je pense, comme vous, qu'une temporisation limitée peut être nécessaire pour déférer aux vœux du saint et éminent Prélat qui conduit le diocèse; mais je n'hésite pas à dire qu'elle serait bien fâcheuse pour vous si elle devait vous créer de nouveaux obstacles et compromettre par là même votre vocation. Conjurez donc, cher Monsieur, le vénérable Evêque de considérer que le Seigneur, après vous avoir appelé dans votre jeune âge, vous appelle encore miséricordieusement à la dernière heure du jour, que les retardements sembleraient hors de place et que votre empressement généreux doit répondre à la voix qui vous convoque. S'il ne s'agissait uniquement que de coopérer à des œuvres, vous seriez déjà à Arras dans votre vocation, mais il y a avant tout l'immolation de vous-même et la consécration de tout ce que vous êtes dans l'état de religion; pensons, bien cher Monsieur, que ce premier point est de beaucoup le plus essentiel et que, s'il ne précède notre action extérieure, nous n'aurons qu'une force restreinte. Je vous demande donc, cher Monsieur, avec la plus vive instance, de limiter votre séjour à Arras aussi strictement que vous le pourrez, et surtout de ne prendre dans les œuvres aucun rôle actif dont vous ayez peine à vous défaire au moment de votre départ. Je suis bien assuré que telle sera aussi la pensée de votre saint directeur qui a si bien apprécié les indices et l'importance de votre vocation.

Ces réflexions ne me sont inspirées, croyez-le bien, cher Monsieur, par aucune défiance de votre bon vouloir et de votre courageuse résolution; je sais que votre sacrifice est fait et que vous en avez consommé la plus rude part en avertissant nettement de vos vues votre famille, mais l'expérience m'a appris à connaître les adresses merveilleuses du tentateur; retarder est un peu votre faible; ce n'est qu'un fil, mais en le tournant et tournant bien autour de vous, il pourrait vous prendre par là; défions-nous de lui.

Tout va bien à Vaugirard et aux autres points où le Seigneur a mis notre petite famille; je n'ai jusqu'ici que des nouvelles satisfaisantes. Je recommande bien à vos prières et à celles de nos ff. d'Arras M. l'abbé Faÿ, jeune ecclésiastique pieux et dévoué qui doit être ordonné la veille de Noël, et qui viendra aussitôt après se joindre à nous, du consentement de Mgr l'Archevêque; je crois que ce sera un vrai serviteur des pauvres; il a préféré ce titre à des emplois plus séduisants qui lui étaient déjà offerts de divers côtés; j'espère que, de plus en plus, il se convaincra que la meilleure part lui a été donnée.

Adieu, bien cher ami, j'ose presque dire, bien cher fils en N.S. tant je me sens pour vous de tendre sollicitude et de cordial dévouement; restez toujours bien près de nos ff. d'Arras, ce sera d'avance vous mettre de la famille et constituer avec nous cette sainte communion que le Seigneur veut former dans notre sein. Le jeune f. Vasseur et moi, nous vous suivons ici par la pensée et nous vivons au milieu de vous. Assurez nos frères de nos bons souvenirs et croyez vous-même, cher bon ami, à toute ma tendre affection en J. et M.

Le Prevost

 

P.S. Ma santé, dont vous voulez quelque mention, s'est un peu remise du choc de l'acclimatation; je suis moins souffrant depuis 15 jours.

 

 




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