442 à  M. Paillé

Handicapé par un abcès au poignet droit, MLP; dicte sa lettre. Rapport avec les confrères. Il faut "se placer avec eux dans la sphère de tout ce qui est bien et beau". Ne pas se préoccuper de ce que l'on dit et pense de nous.

Cannes, 10 janvier 1857

Très cher ami et fils en N.S.,

Mon petit f. Ernest me sert de secrétaire aujourd'hui parce qu'il m'est venu au poignet droit, depuis quelques jours, un abcès qui est arrivé à ce point de me rendre tout mouvement impossible. J'en avais eu déjà deux autres beaucoup moins douloureux, puis surtout moins mal placés. Le médecin que je me suis déterminé à faire venir pense, comme moi, que c'est le résultat de la surexcitation produite sur ma constitution par le climat trop sec et trop ardent pour mes organes; il ne s'en est point montré inquiet; je m'en rapporte à lui, bien que l'engourdissement et les douleurs nerveuses de mon bras soient extrêmes.

Je ne puis répondre en détail aujourd'hui à la dernière lettre de notre cher f. Maignen, je me borne à vous recommander d'être bien remplis d'affection et de reconnaissance pour notre ami M. Decaux qui les mérite si bien, de ne lui donner jamais aucun signe de défiance.

Je vous demande aussi bien instamment d'éviter tout débat sur la question de propriété; je regrette bien vivement ceux qui ont déjà eu lieu à ce sujet, il me semble qu'avec un peu de circonspection, on eût pu les prévenir. J'entrerai dans de plus longs détails quand je pourrai vous écrire. Tenez bien vos comptes, si vous en avez à tenir, aidez nos confrères dans leurs efforts, autant qu'il dépendra de vous; en général, soyez avec eux plein de prévenance et de condescendance, voyez leurs bonnes qualités qui sont si réelles et fermez les yeux sur leurs imperfections; en général, il est meilleur et plus sage tout ensemble de montrer aux gens une généreuse confiance, on les porte ainsi à répondre à la bonne opinion qu'on a d'eux. On s'épargne ainsi bien des difficultés, en se plaçant avec eux dans la sphère de tout ce qui est bien et beau.

Ne vous préoccupez pas de ce qu'on dit et pense de vous, faites tout le bien que vous pourrez, Dieu se chargera du reste. A la longue, une conduite noble, dévouée et désintéressée a, même sur la terre, sa récompense; elle concilie à ceux qui la tiennent une haute estime et une influence bien plus certaine qu'on ne l'aurait par une défense méticuleuse de ses privilèges et de ses droits. Notre petit f. Ernest trouve que c'est assez; il veut que là-dessus nous vous embrassions l'un et l'autre. J'ai moins souffert pendant que je m'entretenais avec vous, ce qui me fait penser qu'après mon retour, si tant est qu'il soit dans les desseins de Dieu, je me trouverai beaucoup mieux étant auprès de vous.

Votre tout affectionné Père en N.S.

Le Prevost

P.S. La note est commencée, mais pas finie; ne pourriez-vous voir en attendant M. Duchesne, lui expliquer ce retard et lui faire pressentir que nous ne pourrons absolument pas céder.

Je n'ai pas de nouvelles de M^lle Gauthier, comment va-t-elle?