1118  à M. de Varax

Incertitudes sur la date d'ordination; MLP. en est contrarié. Nouvelles des séminaristes en vacances.

Chaville, 27 août 1866

            Bien cher ami et fils en N.S.,

            Je suis présentement tout désorienté à votre sujet; j'ai perdu vos traces et j'ignore absolument où vous êtes. J'ignore aussi où en sont vos affaires concernant l'ordination; on me dit, d'après quelques mots écrits par M. Chaverot, que peut-être le moment en serait avancé, si elle se faisait à Autun; avez-vous à ce sujet quelque indice un peu précis? Il ne m'est, quant à moi, venu aucun renseignement.

            J'espère que votre santé s'est affermie. M. Chaverot, qui m'écrit de S^t Etienne, paraît assuré qu'il en est ainsi; dites-moi quelques mots qui changent cette espoir en certitude.

            Je suis de retour de mon petit voyage depuis le 23 de ce mois, et je reste, tantôt ici, tantôt à Vaugirard, selon que le besoin le demande. Nos jeunes séminaristes sont toujours heureux de leur repos de vacances. MM. Victor [Trousseau] et Urbain [Baumert] sont de ce nombre, mais leur temps de séjour ici touche à son terme; M. Victor reviendra vers le 15 septembre, si M. Laroche qui est installé aux Baraques (c'est le nom de la localité³⁸⁴), au bord de la mer, ne peut l'appeler près de lui.

            Le jeune Boiry semble découragé, doute de sa vocation et est en examen sur ce que l'avenir lui peut donner; je l'envoie à M. Pinaud, à Issy, pour s'éclairer auprès de lui; cette petite âme est peu vigoureuse, je ne sais comment elle sortira de cette épreuve. Les soutiens extérieurs sont bien insuffisants, il faut que l'Esprit de Dieu réside dans l'âme et lui donne le souffle de force et de vie.

            M. Chaverot sera de retour à Arras le 10 septembre au plus tard; il avait résolu de passer ici quelques jours, du 6 au 9, mais je crois qu'il ne pourra résister aux instances pressantes de sa famille et sera obligé de sacrifier Chaville au profit de S^t Etienne. Sa bonne mère m'a écrit une lettre à la fois plaintive et priante pour demander qu'on lui laissât plus de repos et qu'on ne changeât pas ses vacances en travail; j'ai répondu de mon mieux, la nature veut sa part, le sentiment crie, le corps a ses exigences. Quand tous sont satisfaits, que reste-t-il pour le bon Dieu? Donnons-lui au moins tout ce qui reste libre, notre indolence est trop disposée à se l'approprier.

            Je finis là, mon bien cher ami, pour écrire quelques mots à M. Chaverot, en réponse à sa dernière lettre; écrivez-moi dès que vous le pourrez; tout le monde ici sera heureux de vous revoir, mais vous ne ferez que passer parmi nous si votre ordination est tardive; laissons faire le bon Maître, obéissons-lui avec amour et soumission bien filiale: sicut in cœlo et in terra.

            Votre tout affectionné ami et Père en N.S.

                                                                                             Le Prevost